Aller à la mère
Une fois n’est pas coutume je vais dérouler un fil ne sachant trop où il mènera. Cette fois-ci un titre pour point de départ.
Cette phrase qui s’allume dans ma tête. Il faut que je m’attelle à écrire sur ce néon qui s’est affiché car il doit avoir toutes ses raisons d’être apparu.
Retour de Marseille
J’attendais avec impatience de sortir de Paris après trois mois de rondes et de ronrons quotidiens dans mon quartier, poussette oblige (ronrons surtout diurnes mais pas assez de nocturnes).
Avant toute chose je dois dire que mon état de fatigue de ces trois derniers mois m’ont fait prendre la décision de décrocher totalement de toute connexion au monde extérieur il y a quelques semaines. J’ai cessé de publier sur Instagram que j’utilise pourtant avec des règles qui me conviennent et ne pas me sentir esclave. Ainsi je publie si j’en ai envie et je dis ce que je souhaite dire, avec la forme qui me convient sur le moment. Mais cela a d’autres conséquences de ne pas jouer le jeu des plateformes tel qu’il “se doit”.
Mon compte ne grandit presque pas, c’en est une des conséquences mais j’ai fini par ne plus m’attacher à cela quand j’ai vu un noyau dur de personnes toujours au rendez-vous dans mes stories notamment. Beaucoup d’entre vous en font d’ailleurs partie. Je retrouve cette sensation d’être en petit comité, à échelle humaine (souvenez-vous nous sommes dans un jardin d’hiver pour les fidèles du début) et je publie souvent des choses personnelles via ce “salon”. Une story ne dure que 24 heures et n’apparait plus ensuite. Seules les personnes à l’écoute peuvent suivre l’histoire qui se déroule au fur et à mesure.
Et comme dans la vie c’est éclectique.
J’avais réduit ces derniers mois mes projets à très peu, prise dans la trame de la parentalité (terme que je finis par adopter). Ce que je trouve d’ailleurs formidable, car cela m’a permis de choisir un ordre de priorité et resserrant toujours plus mon angle d’attaque.
J’ai compris tout récemment que je corresponds à la définition d’une personne multipotentielle. Explorer, comprendre et apprendre pour créer m’est accessible. Avec une habitude à l’adaptation. Le menu est alléchant, pourtant cela m’a valu des années de lutte à ne jamais me sentir dans la bonne case car la consigne sociétale est à la spécialisation et à la niche de compétences.
Ainsi, au sortir du tamis de mon exploration de la parentalité toute récente, ma priorité était de créer ligne mon atelier d’écriture. Adapter Les mots à la Bouche, créé l’année dernière et qui se déroulait au Troisième café.
L’écriture autour de la nourriture, un fil à dérouler que je trouve universel et accessible, un petit groupe, des histoires qui parfois résonnent entre elles…
Un souvenir extra comme une fraise mûre à point. J’ai adoré ces moments d’autant qu’un petit être se fabriquait en moi et que des histoires naissaient de partout dans des carnets, entre des mugs de thé, de rooïbos et de gâteaux Chamonix.
Or, même créer un site via un outil dit “ultra facile” m’est compliqué en ce moment. La fatigue de l’hiver avec un enfant lui-même fatigué ont eu raison de ma super motivation -que je continue d’avoir malgré tout.
Ainsi, j’ai décidé de positionner en mode différé. Disjoncté un ou deux interrupteurs supplémentaires.
D’ailleurs vous le constatez, mes envois se font plus rares et j’ai fini par m’ôter mes échéances de publication souhaitées.
En un mot, je n’ai cessé de relâcher la bride au point d’abandonner toute obligation. Et surtout en coupant toute attente ou paires d’yeux que l’ont pourrait braquer sur moi.
C’est très libérateur il est vrai et j’ai l’impression d’aller encore plus loin que je n’avais pensé dans ma stratégie de vivre pleinement les choses une à une, en tant que jeune maman.
Coucou ! Mama Quadra est là !
Elle est où Mama Quadra ? Ah ! Elle n’est plus là !
Tu me vois, tu me vois plus !
Ces étapes supplémentaires face à la gestion de l’extrême fatigue me disent que mon mental à ce sujet se porte plutôt bien malgré tout. Et que de ne pas être top jeune compense une fragilité qui pourrait s’ajouter. Un travail sur moi-même qui a porté ses fruits pour éviter que le filet ne perce quand il est trop lourd.
Je ne me sens pourtant pas invincible en ce moment loin de là. Je trouve que la société renvoie à un lissage de la fonction de mère qui est scandaleuse face à toutes les ressources que les femmes déploient en permanence, sans que cela soit réellement mis en valeur. Je le vois, le vis et je n’ai même plus la force de l’expliciter.
Pas aujourd’hui en tout cas.
Je continue d’écrire au fur et à mesure. Peut-être décrocherez-vous de Facteur Commun qui ne semble pas être descriptible au même titre que les newsletters qui “marchent”.
Peut-être vais-je vous perdre.
Mais je continue d’écrire ce qui me semble devoir être. Peut-être qu’ici même ne sera plus qu’une pièce vide où l’écho de ma voix intérieure résonnera et finira sa course épuisée comme une balle de squash.
Qui a bien pu inventer ce sport honnêtement ?…
Une dernière bride à lâcher ?
Je disais plus haut que c’est libérateur de ne pas se soucier de l’extérieur mais je ne pas dire que c’est aussi facile à vivre de se sentir malgré tout stagner. Qu’il s’agisse de mon compte Instagram ou de ces interlignes ici présents, je me heurte trop souvent et depuis longtemps à un manque de résonance. Même en étant entourée de retours sincères qui reconnaissent la valeur de mon travail et de mes créations. Le manque de croissance pèse très lourd à la longue. Car mon but est de dire certaines choses qui nous lient et nous intéressent pour beaucoup je pense.
Ces retours me touchent chaque fois. Me relancent parfois.
Mais ce n’est pas assez.
Je me sens souvent bien seule et sans retours de portes que j’essais régulièrement d’ouvrir. En allant au devant de rencontres que je sollicite par exemple. J’aime beaucoup cette idée d’aller vers des personnes que l’on ne connait pas mais envers qui on sent une possibilité d’accroche. Ou de collaborer. C’est d’ailleurs comme ça que j’ai réalisé un jour des œuvres textiles pour la Manufacture de Digoin. Grâce à la rencontre d’une femme qui décida un jour de faire renaitre ce lieu incroyable dont le savoir faire ne tenait plus qu’à un fil de mémoire de quelques employés. Je sus allée la voir. Nous avons discuté. Elle m’a proposer de réaliser quelque chose pour leur salon Maison et Objets.
Mon profil multipotentiel est donc en manque d’échanges et d’effusion productive !
J’ai eu pour réponse récente un “c’est hyper inspirant” (à propos de mon projet), tout en me faisant comprendre que je n’étais pas assez connue. Entendre, pas assez de monde sur les réseaux.
J’entends.
En revanche je trouve complètement idiot de refuser que l’on se rencontre en vrai alors que la facilité de l’échange est pourtant palpable.
La dématérialisation de nos rapports nous a t-elle gagné au point d’inventer le terme en présentiel ?
Bien sûr que j’évolue me direz-vous, nous sommes en constante évolution. Mais ressentir cette évolution à la mesure de sa dimension intérieure permet de garder le cap et de faciliter les montagnes à gravir. Moi je garde le cap mais arpentant les pieds nus.
Mon but est de créer, par la voie artistique, autour de sujets qui me tiennent de l’intérieur.
Les histoires, les mots, la couleur, le beau. La transmission, la nature, le lien à l’autre, les femmes, leur corps.
Des bouts de vie en somme. Mais en beau.
M comme
Je n’ai pas encore beaucoup parlé de ma mère dans toutes ces lettres et publications que j’ai entamé il y plusieurs mois. Je vous ai souvent parlé de M. Contensou mon instituteur un bon nombre de fois. Preuve de l’importance de la manière d’apprendre, enfant, et ce en quoi elle marque le reste votre vie. Une foultitude de détails emplissent ma mémoire des journées en classe à son contact, au même titre que des scènes enregistrées au mot près où j’ai donc appris quelque chose malgré moi -magie du cerveau qui fonctionne 24/24 et travaille sans que l’on s’en aperçoive.
Des années plus tard j’ai donc restitué certains de ces instants grâce à cet homme qui je l’espère, profite de sa retraite pour aller à la pêche, tel qu’il le formulait la dernière fois que nous l’avons revu quelques anciens élèves et moi-même.
Bref.
Ma mère quant à elle occupe une place très importante dans ma vie.
De fait, devrais-je dire. Mais également et surtout, car elle est.
Elle est qui elle est.
Nous sommes partis quelques jours avec Monsieur et Jasmile, chez ma mère et mon beau-père à Marseille. Une visite du petit fils de huit mois accompagné de ses parents. Quelques jours de liberté à trois à “exploiter” à fond car ces micro vacances ne se représenteront pas tout de suite.
Le tonneau des Danaïdes
Monsieur étant sur un loooong tournage de film, cela distribue notre jeu 7 de familles ainsi :
L’un des conjoints part travailler.
Beaucoup.
Ici, Monsieur.
Par travailler, comprendre de manière officielle au regard de la société, en étant rémunéré.
Madame s’occupe de l’enfant.
Ici, votre Factrice atypique.
L’Enfant voit moins son père et manifeste son désir de se coller à lui dès qu’il le voit, de peur de le voir partir à nouveau. Au jeu du “Coucou” le Petit d’Homme comprend vite le risque de non retour.
Madame s’occupe de la progéniture et tente de travailler “pour elle”, de manière non officielle pour changer de vie par la même occasion. Se sentir à sa place, utile, pour éviter à l’avenir de disparaitre également du paysage quotidien du petit animal et offrir ce qu’elle pense être important pour l’avenir de son enfant. Et que tout ces existences aient un sens.
Autant dire que l’efficacité n’est pas toujours au rendez-vous au vu des miettes de temps que cela implique.
Pourtant, je le redis… méga motivée la Mama Quadra ! Pas toujours les solutions ni la cartographie exacte de l’objectif, mais la navigation est en cours.
Mais Monsieur est triste de voir si peu son enfant et lutte pour se rappeler pourquoi également.
Madame est le plus souvent seule pour s’occuper de l’enfant -également ouvert 24/ 24, 7 jours sur 7. Absorbe pour deux l’évolution quotidienne du Petit Animal pour tenter de rendre à son père ce qu’il a peur de perdre de sa première année de vie.
Monsieur tente de soulager Madame dès que possible mais lutte déjà avec des journées extra longues.
À chacun sa charge mentale.
Madame est épuisée. Se sent invisibilisée de la société qui selon elle, continue d’appliquer cette bonne vieille recette de cuisine à la française, nappée de l’exquise sauce à la culpabilité qui fait notre renommée dans le monde entier.
Peut-être sera-t-elle bientôt inscrite au patrimoine culturel immatériel de l'Humanité ?
Bref.
J’avais hâte de changer de paysage, de lieu de visée : ne plus voir toujours le même décorum sous le même angle. C’est pour ça que j’aime parfois dormir en travers du lit, ce n’est pas qu’une question de place ou d’étoile de mer.
Voir la mer, du soleil plus que deux jours, et de la végétation qui ne soit pas entourée de grillage ou mouchetée de mégots.
Et voir ma Maman. Me faire chouchouter par ma Maman. Je crois que c’est la première fois que j’en ai ressenti le réel besoin. Tout du moins avoir en tête que ça me ferait du bien et que cela répondrait à certains besoins primaires comme manger.
Manger sans avoir à se soucier de préparer. C’est aussi trivial que cela la santé mentale et physique parfois.
Et sentir l’Amour sans limite dans les gestes les plus quotidiens et les qu’est-ce que je peux faire pour Toi ?
Être nourrie de ces gestes que l’on reproduit.
Moi l’enfant j’ai un enfant
Quelques jours après avoir accouché j’ai écris quelques lignes sur Instagram.
J’ai parfois du mal à relire certaines choses qui sont comme des pulsions, très instinctives et tentent de décrire une sensation sur le moment. J’ai envie qu’ils restent intacts. D’ailleurs en rouvrant des carnets ou en tombant sur des bouts de papiers il m’arrive de retrouver des choses que j’ai totalement oubliées. Et ce, parfois quelques jours juste après les avoir écrites.
Pourtant je suis quelqu’un qui a beaucoup de mémoire. Certes moins à court terme en ce moment…
Quelqu’un m’avait dit une fois “lorsque tu écris c’est comme si tu étais dans un état d’hypnose”. Dans certains cas effectivement je pense que c’est vrai. Au réveil cette production écrite réside quelque part en suspens. Ou dans une jointure ébréchée de la mosaïque de mes souvenirs.
Je me souviens avoir fini cette sorte de poème par :
Moi l’enfant j’ai un enfant.
Je pourrais développer pendant des heures. Mais tout ce que j’ai fait en allant à Marseille. C’est exactement cela.
Je suis allée à la mère.
Ma Mère.
Et aujourd'hui je n’ai pas besoin d’en ajouter.
PS : (je t’aime Maman).
Parmi ce que j’ai glané ces derniers temps
Une newsletter :
Dans cette très bonne édition de la newsletter Darons Daronnes du Monde, j’ai trouvé très intéressant ce témoignage qui reflète bien la perception de notre société distinguant les mères des pères, dans un même rôle de parent au travail.
Voici un extrait :
Votre voisine de bureau est-elle une mère solo ?
« J’ai 46 ans et je vis seule avec mon fils de 10 ans. (…) Au bureau, je m’abstiens proprement de signaler ma situation personnelle(…) Car la mère seule avec un fils n’a pas bonne presse dans l’entreprise, si moderne et ouverte soit-elle dans ses process de management. On ne va pas non plus arrêter de mettre des réunions le mercredi après-midi et partir du bureau à 17 h 30, et puis quoi !
Dans ce nouveau job, beaucoup de trentenaires, assez peu de parents, ou depuis peu. Mais voilà que l’autre jour j’entends parler de X, le manageur que tout le monde adule,(…)un discret mouvement de tête penchée quand on l’évoque. Après trois phrases d’introduction roulées dans la dragée, on me regarde pour m’annoncer sur le ton de la connivence le secret de cet homme incroyable : “C’est un papa tout seul.”
Le ton mielleux de la phrase me fait instantanément grimper au plafond. (…) Un “papa tout seul” qui a une fille ! On ne peut pas lutter.
Vous pouvez lire tout l’article ici (et vous abonner même si vous n’êtes pas parent :)
Des livres :
J’ai dévoré le deuxième tome de la Trilogie de Copenhague que j’attendais avec impatience.
Ou comment sortir de sa condition pour être libre et devenir une femme poète. Tove Ditlevsen née en 1917 raconte son Enfance puis sa Jeunesse. Ça m’a fait penser à la série tirée de L’amie prodigieuse d’Elena Ferrante… en version danoise et au climat plus froid ! Reste à attendre septembre pour le dernier tome. J’imagine que sa persévérance et sa vision de vivre de son art aura payé, refusant la triste vie allouée aux femmes de son époque et de son statut social. C’est déjà un exploit d’avoir pu le formuler dans son esprit.
Une expo et un livre :
Extérieurs, Annie Ernaux et la photographie à la Maison Européenne de la Photographie
Expo qui met en relation Journal du dehors écrit entre 1985 et 1992 d’Annie Ernaux, et des photos de plusieurs photographes du fond de la MEP.
A l’époque où elle tient ce journal, elle décrit des observation de scènes du quotidien près de chez elle dans une “ville nouvelle”, tels des instantanés. Elle écrit pour reproduire une image justement. J’ai beaucoup aimé retrouver des caractéristiques de l’époque, souvenirs de quand-j’étais-petite. Un regard sur la société qu’elle veut brut, mêlé à ce qu’elle ressent parfois.
Quelques jours auparavant je discutais avec ma belle-mère de la figure de l’exhibitionniste qui s’est perdue (elle a pris d’autres formes désormais) ! Quand j’étais petite on nous mettait en garde contre les exhibos. Terme des années 80, 90 que je constatais disparu : ces types en imper qui adoraient ouvrir leur emballage sur une vision très dénudée de leur personne. Eh bien j’ai retrouvé son évocation parmi les extraits de texte dans l’expo (et sans instantané photo ). Je ne dirais pas que je suis nostalgique de cet odieux acte de déballage-emballé, mais ça m’a fait sourire de retrouver cette évocation !
Par ailleurs j’ai pu retrouver cette photo de Dolorès Marat, aperçue un jour sur un livre dans un hôtel que j’aime particulièrement. La femme aux gants, 1987.
Maintenant je sais que c’est elle.
J’en profite, d’autant plus si vous êtes arrivés jusqu’ici pour remercier les petites attentions que je reçois de votre part parfois.
Merci.
À bientôt pour un nouveau fil à dérouler ou peut-être un café-croissant plus farfelu.
Bonne semaine à vous,
Bisou bisou*
Plutôt une excellente nouvelle d’être « multipotentielle ». C’est plus joli que « couteau Suisse ». Ce qui est dur dans mon cas c’est de passer dans ma tête de « je peux tout faire » à « qu’est-ce que je veux faire ? » sans tomber dans le « qu’est-ce que je dois faire… pour manger ? ». Tiens mais que vient faire le mot manger ici 😉 ? Le côté couteau Suisse c’est un sérieux atout pour les années à venir… Il y a beaucoup d’experts aujourd’hui mais des experts de 2 domaines qui n’ont rien à voir beaucoup moins… (et je ne parle pas de 3 domaines). Des magiciens y en a plein. Des fans de Springsteen, y en a beaucoup. Mais comme dirait le boss (le vrai, d’Helene) « alors ça ! Un magicien fan de Springsteen, c’est rare. ». Après ça… est-ce qu’un spectacle de magie sur l’univers de Springsteen ou inversement une chanson de Springsteen sur le theme de la magie, ça intéresserait les gens ? Mystère…