Café- Croissant des vacances #1
Je vous propose pendant ces semaines de vacances quelques cartes tirées de mes souvenirs de téléphone pour vous raconter quelques histoires. #cartepostale
LA NOUVELLE, septembre 2020.
Le cirque de Mafate - île de la Réunion.
Mafate est une apparition.
Un mythe embrumé qui se dévoile au petit matin.
C’est mon souvenir.
Après une descente-randonnée sur 800 mètres de dénivelé et une chaleur moite, on atteint le point convoité.
Seulement… on n’y voit rien !
Un brouillard épais efface tout horizon et perspective. La notion de village est inexistante et la nuit toute proche se fait sentir.
Mince. Pour ne pas dire autre chose.
Une journée d’expédition, une grande satisfaction d’être arrivés avec Monsieur, car je ne fais pas ça tous les jours (c’est peu de le dire).
Mais l’île intense nous a pris. On aime ou on n’aime pas.
Partir d’un rebord de l’île, petit pois dans l’Océan Indien pour atteindre son centre tout en bas. C’est comme descendre les rebords d’une tasse à thé !
Des sensations, ces sentiments, il n’y’a pas beaucoup de place pour la de demie mesure sur ce caillou vert volcanique.
C’est déjà une grande victoire, ça se fête et ça devrait être récompensé ! Pourtant cette arrivée en bas est teintée d’une demie déception.
Il y’avait deux choses qui avait attisé mon désir de descendre à Mafate :
Le cirque
Et ce terme de Cirque plus précisément qui m’aguichait.
Je commence par imaginer une sorte d’arène géante, une ruine antique où l’on fait des spectacles pour ranimer les vestales romaines -j’ai eu fait en voyage scolaire à Rome en 5ème, habillée en toge cousue par ma mère, tissu blanc et rouge comme demandé, en doublure de satin. Pas complètement compris le “spectacle” qu’on nous a fait faire mais c’était extrêmement plaisant. Vaquer en extérieur et jouer à faire semblant à l’école, que demander de plus ?
Un cirque est-il une étendue vaste et circulaire où se croisent parfois les ères et les costumes ?
Peut-être, à vrai dire je n’en sais rien et c’est bien ça qui m’intéresse. Je trouve fascinant qu’un mot et sa définition appartiennent à des lieux, qu’il soient complètement courants pour des locaux et curieux pour d’autres.
Aujourd'hui je suis l’Autre et j’ai bien envie qu’on me surprenne.
Allons prendre des nouvelles à la Nouvelle en qualité de toute Nouvelle. Je suis vierge de l’île et de l’excursion à cuisses-que-veux-tu…
Car la morale voudra que la descente, s’avère parfois bien pire que la montée !
La deuxième chose qui attisait ma curiosité et mon énergie au départ, parce qu’il faut se le gagner :
Mafate est inaccessible aux voitures.
Trop rare pour ne pas en profiter ! À quoi peut bien ressembler ce centre d’un monde préservé de ce pan de modernité ?
C’est à coup de grandes enjambées sur de grandes marches à nez en rondins de bois et de sol caillouteux qu’il va falloir y chercher sa propre impression.
À force de regarder où je mets le pieds je ne vais pas m’apercevoir que j’ai posé pied…au fond.
Nous sommes arrivés.
Il y a un brouillard et une fraîcheur qui rendent pudique la Dame.
La Nouvelle, on ne l’a lui fait pas. Elle se mérite, t’es pas la première à débouler ma cocotte. La descente c’était l’apéritif. Pour dîner il faudra attendre demain matin.
Un lieu sans voiture, une île dans l’île les yeux dans les yeux.
Le lendemain, plein les oreilles.
C’est un hélicoptère qui nous réveille au petit matin. Le cirque de Mafate se gagne par voie terrestre à force de pieds et de cuisses entreprenantes, ou par les airs.
Eh oui toute l’astuce est là ! Les quelques villages qui le peuplent sont ravitaillés en denrées et fournitures diverses par voix d’hélicoptère, et les poubelles sont exfiltrées de la même manière.
Ça démarre tôt, rapport aux horaires de jour et bonnes conditions météo pour voler.
Le bruit est infernal et surprenant, ça vous sort du lit qui comme une envie de la lui boucler à c’t’engin.
Mais.
Ça a le mérite de vous coller une seconde claque.
Je sors de la petite chambre que nous avons réservée dans l’une de ces petites pensions. Pour la première fois le soleil me salue franchement après cette soirée de brume hivernale, et Ô beauté :
Le terme de cirque me frappe.
Je suis encerclée par une ligne de montagne, je tourne comme un tournesol et m’extasie de cette vision majestueuse où mon sens des proportions me quitte. Le voile a été levé. J’ai changé d’échelle à l’instant, je n’ai jamais vu ça.
Je suis Alice. Je suis toute grande et toute petite.
Le tournesol est à terre. Bien dans la terre, elle-même dans l’eau.
C’est exquis cette sensation.
Une apparition.
Surprise, surprise, Ô le beau caillou, avec un trou au milieu. Tu m’as propulsée dans l’une des taches sombres de la Lune vue d’ici ! Je suis ici et là-haut à la fois.
La dame s’est déshabillée, devant moi nous nous regardons les yeux dans les yeux.
Elle me révèle la journée prometteuse et bien plus encore, car je ne le sais pas alors.
360 degrés de soleil matinal, chaud mais délicat. Une ligne de visée occupée par cette écorce de montagne, quelques petites maisons éparses aux agaves qui tiennent en respect. Bienvenue au centre du caillou.
Ça valait le détour, les efforts, la retenue dans les jambes, l’arrivée dans le noir ou presque.
Au final la remontée fut plus facile.
Car en conclusion de cette descente et ascension : Il est plus facile de se reposer vers ses appuis en plongeant un peu en avant que de retenir l’effort en campant sur ses arrières…
Quel cirque !
La surprise inattendue.
On y verra le surlendemain un avion se crasher sous nos yeux !
Un nouvel engin à vacarme, ça contraste une fois de plus au milieu de cette nature mais c’est à la mesure de l’échelle locale. Très grand et très petit. Très moderne et très brut.
On s’interroge des yeux avec Monsieur.
Lui est servi avec son goût pour les avions ET les histoires de crashs aériens… en quelques secondes on est à deux doigts de voir débarquer les agents du B.E.A.
Ah mais non en fait ! Pardon, il vole pour s’exercer !
Très bas, très près, en arc de cercle le long de la paroi. On pourrait le toucher.
Je me suis rassurée en voyant une femme faire les chambres un peu plus loin, qui n’a même pas daigné lever la tête.
L’avion a ses petites habitudes.
Tout simplement normal vous dis-je.
Ici on contraste entre préservation et modernité. Là où une voiture n’a pas sa place. Beaucoup trop dans la demie mesure.
Vous aussi cela vous évoque un souvenir d’apparition en voyage, ou d’un moment fort ? Racontez-moi, racontez-nous !
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La suite, très vite avec une nouvelle carte postale tirée au hasard de mon téléphone, à lire au chant des cigales ou en terrasse !
Bisou bisou.