Appel à collection de mots, envoyez-moi vos souvenirs
Histoire de faire circuler les souvenirs de personnes que l'on aime, envoyez-moi votre matière première.
J’ai une liste de mots et d’expressions de ma grand-mère, écrite sur une de mes nombreuses notes. Elle est toujours ouverte et parfois un souvenir me revient alors que je pensais en avoir fait le tour. Cette échelle de Richter continue de grandir.
Les mots en voix de disparition
Au départ j’avais eu l’idée de noter les mots que trouvais “disparus”, après avoir constaté la rapidité de la disparition de certaines expressions ou de la simplification de la langue appauvrissant les nuances de synonymes, de tournures ou d’idiomes (ce mot m’a toujours faite rire).
Je crois que le premier à l’origine était
C’est défendu !
que m’assenait ma grand-mère, petite.
Un beau mot, une voix passive et activiste comme on n’en voit plus, l’INTERDIT ayant pris toute la place.
Simple et adjectivisé, (je viens d’apprendre ce mot) il a remplacé l’élégance et la complexité du terme Défendu.
Défendu s’employait bien plus avant et dans la bouche de ma grand-mère c’était une forme de “Non, ne fais pas ci ou n’essaie pas de toucher à ça !”… que je n’entendais pas si souvent d’ailleurs.
Car il n’y a pas grand chose que je ne faisais pas avec ma grand-mère.
Mais cette expression était au final bien à elle.
Ces quelques anciens mots que j’ai commencé à noter étaient le plus souvent reliés à ma grand-mère.
Comme “un pépin” pour dire un parapluie.
De fil en aiguille la liste est devenue une série de mots bien à elle.
Et c’est ainsi qu’est née ma collection.
Ceux de ma grand-mère maternelle.
Ma grand-paternelle quant à elle, parlait l’arabe. De mon côté, officiellement je ne le parlais pas. Je le comprenais en cette sphère protectrice qu’était la maison en Tunisie, en journée, et sous le regard bienveillant de mes tantes et de mes cousins/ cousines. De cette autre grand-mère j’ai retenu un geste bien particulier que je reproduis très souvent et lié à l’eau, et bien d’autres choses comme les reflets au henné de ses cheveux, son sourire avec une dent en argent (ou était-ce de l’or ?), et sa voix comme un cadeau mystérieux : elle parlait peu mais sa tonalité grave légèrement cassée semblait rouler, jaillissant de ce sourire légèrement asymétrique.
En panne
J’ai failli vous écrire une lettre qui s’appelait En panne en souriant intérieurement.
Il y’a quelques semaines j’étais à Marseille pour rejoindre Monsieur pendant un tournage et exercer un regroupement familial à trois.
Un jour d’exploration du Mucem j’ai pris un ascenseur avec la poussette remplie de la Coquillette de 12 kilos révolus, qui était sensé nous élever dans la sublime stratosphère du Fort Saint-Jean et de sa vue Terre- Mer au parcours de Fleurs et Pierres.
Je l’ai pratiqué à plusieurs reprises pendant le séjour, me remplissant chaque fois d’un nouveau détail ou sentiment. Et ce, selon les échelons du vent.
Beaufort, une autre échelle qui prenait tout son sens.
Nous voilà prêts à grimper sur la balade de jardins suspendus au second étage, lorsque l’ascenseur décide de s’arrêter au 1er, ouvrant ses portes entre deux salves d’escaliers, sur un demi niveau.
Face à nous des marches à dévaler sur la gauche, des marches à gravir sur la droite.
Fort intéressant comme palier au beau milieu d’escaliers… et pas sûre de comprendre son utilité d’ailleurs.
À dos de poussette les deux options étaient rédhibitoires.
Bien sûr l’ascenseur ne souhaita ni monter ni même redescendre, ce qui aurait facilité la tâche de mes bras encombrés. Sa commande dans la cabine n’obtempérant qu’à l’ouverture des portes.
J’ai bien tenté d’attendre que quelqu’un ait la bonne idée de l’appeler au rez-de-chaussée mais en vain. Rapidement je sauta sur l’occasion d’un Monsieur bien rond, à la carrure épaisse qui passa par là, et lui demanda de l’aide pour redescendre mon petit paquet encombrant à bout de bras.
L’expression neutre s’est transformée en une affirmative joviale qui nous a fait redescendre sur terre en deux temps trois mouvements.
Tous ça pour dire qu’en ce moment mon niveau inspiration et ma capacité à créer sont hautement désorientés.
Étant dans un tumulte de voies, de choix et de méandres imbriqués qui me figent.
Étant parfois découragée.
Et qu’être en panne dans un entre-deux… ça a flashé en mon for intérieur !
Bref, ça m’allait bien cet idiot idiome. Cette expérience matérialisante.
Aussi
Plutôt que de rester seule dans mon coin et dans une aspiration du vide saupoudrée de silence, je vous hèle tels des taxis.
He(l)p !
Aujourd’hui je vous appelle du doigt pour que vous nourrissiez ma boîte aux lettres.
Que vous me parliez de vous.
Sans grande idée dans la tête, juste le plaisir de faire circuler ces pensées.
Relier une fois de plus.
J’ai envie de cette curiosité simple que j’aime trimballer comme un sac-à-main car je suis une bonne chercheuse. Et là j’ai besoins de véhicules.
Aujourd'hui les regards sont tournés vers vous !
Envoyez-moi des mots de vos êtres chers
En début d’année, je faisais référence à cette liste dans l’atelier La liste de Toi pour le 6ème atelier de la semaine d’écriture attentionnée. Dans mes méandres récents vous aurez peut-être constaté que je ne vous ai pas envoyé beaucoup de lettres ces derniers temps. J’ai mis en pause les ateliers et les abonnements pour le moment.
Je ne sais pas si je vais continuer car vous êtes très peu à m’avoir suivie dans l’aventure malheureusement. Et c’est beaucoup d’engagement et de travail qui me laissent sur tout autant de sentiments qui ne me sont pas du tout bénéfiques. Je songe donc à arrêter.
Mais cela valait la peine de ces très beaux partages que nous avons pu créer avec mes ami(e)s, ce qui a révélé de nouvelles strates d’intimité et de compréhension pudique. Un série de cadeaux qui marque toute une période.
Mais revenons à la légèreté du geste !
C’est cet exercice qui représentait à mes yeux le plus l’idée de l’attention envers quelqu’un que l’on aime, quelqu’un à qui l’on pense.
Ou qu’on ne veut pas oublier. En l’écrivant je me demande si c’est intentionnel, que l’on ne veuille pas. Il serait peut-être plus juste de dire quelqu’un qui existe dans notre esprit.
Je ne sais pas où cela nous mènera mais j’aimerais beaucoup déballer vos papiers de bonbons évoquant vos souvenirs et le lien que vous aviez avec cette personne.
J’en ferai peut-être quelque chose. Ou pas. Mais je me réjouis de faire le trait d’union entre vos mots et de les publier.
Que pouvez-vous m’envoyer ?
Des phrases typiques qui vous reviennent
Exemple :
-Ça va comme tu veux ma chérie ?
ma grand-mère se souciant du plaisir et de mon bien-être. Une façon de noter que ça va super bien justement et de s’en nourrir elle aussi.
des petits noms
Exemple :
-Ma poule, mon poulet
toujours venant de ma grand-mère pour nous appeler mon frère ou moi.
des expressions, inventions de langage voire barbarismes (ça j’adore, on a tous des mots de famille !)
Exemple :
-un “Ratire-merde”
nom commun : meuble finissant toujours par entasser des bibelots, des saloperies, vouées à la poussière !
issu d’un ami de la famille au langage imagé et fleuri.
des mots hérités (comme du patois d’une branche du dessus de l’arbre généalogique), ceux qui s’installent tous seuls dans le grand dictionnaire des vos mots usuels
Exemple :
Égoinché = fêlé, abîmé, avec un petit morceau manquant.
provient de mon arrière-grand-mère si je ne me trompe pas
Des mots d’enfants. Certains restent d’ailleurs.
Exemple :
De la “ Itû “- ce mot est resté, cela veut dire “confiture” dans ma langue primitive.
Même adulte ma mère continue d’employer Itû parfois.
NB : Cela ne fonctionne qu’au petit déjeuner dans le cas pratique, face à une tartine prête à se faire lustrer la façade. Pas lorsqu’elle me propose d’emporter des ou tes confitures (entendre les tonnes de pots qu’elle a préparés spécialement pour moi et pour la maisonnée qui en profite par extension).
Jasmile dit “Ti’tô” à l’heure actuelle mais plus pour longtemps. Depuis quelques jours ses syllabes s’affûtent, à croire que “fêter” ses 21 mois lui ont porté une maturité linguistique du jour au lendemain.
Voilà les ami(es), envoyez moi vos p’tits papiers !
Comme d’habitude il suffit de répondre à cet mail ou d’écrire un commentaire. Prenez quelques instants pour penser à tout ça, ou laissez la semaine vous le rappeler. J’espère que de bons mots viendront vous percuter rapidement l’esprit et le sourire.
N’oubliez pas de me dire de qui vous tenez ces mots et le contexte éventuel !
Vous savez où me trouver,
d’ici là,
À nos bons souvenirs et
Bisou Bisou !
Shéhérazade.