Café-Croissant des vacances #3- Six ans de couleur végétale
Je continue le tirage au sort. Cette fois mon téléphone choisit une photo de moi. Toujours aussi smart l'appareil ? En fait oui car il a intitulé cette série de photos en Bourgogne "Mon expérience"...
Chère Shé,
Je te regarde et je me dis une énième fois depuis quelques semaines qu’il faut que je recoupe ma frange. Elle va elle vient, monte et descend, clac-clac, trois coups de ciseaux au rythme aléatoire de l’année.
Des années.
Je te regarde et moi je sais que tu viens de jouer à 1,2,3 soleil dans la maison ! Tu traines toujours pieds-nus sur les graviers et les pavés, ça fait partie du jeu et ça date de tes premiers pas. Ça donnera même ton nom d’artiste La Vanupied même si tu as du mal à te qualifier comme ça. Heureusement que tu n’as pas la corne de ton oncle en Tunisie qui écrasait les scorpions à coups de talon !
T’as posé le téléphone en haut du “studio” secret ouvert en été, pour immortaliser ces moments de profonde cohérence et de plaisir.
10 secondes, t’as dévalé l’escalier, bondi, sorti de l’atelier, et juste le temps de relever la tête…
Clic, clic !
Et voilà, tu l’as ta photo qui relie les différents espaces de ta maison, intérieurs extérieurs cachés où tu découvres la couleur végétale. Le cycle parfait où utiliser la ressource, la plante, le jardin, la cuisine et la joie dégagent une lumière douce et chaude. Celle qui rend sereine.
Un article a suffi pour essayer avec des épluchures dans la cuisine pour tomber dans la teinture. Maintenant ça sent bon. Du bouillon au tissu sec tu reconnais l’odeur.
Tu n’as pas encore ton “labo”, ton petit atelier à toi spécialement conçu pour ça. Tu n’as pas encore la maîtrise de la cuve d’indigo au henné pour faire du bleu, la couleur d’un autre monde. Tu sais que le bleu a besoin de vivre en apnée pour être révélé sur le tissu. Tu galères de cette foutue alchimie. Tu as du essayer en lisant, lisant, testant, mais ce n’est pas encore ça. Il faudra le bon prof pour que ce soit ça. Et tous ces essais “ratés” aussi car la teinture végétale c’est la couleur du Temps, de la Nature et de l’Humilité. D’ailleurs tu écriras un jour ici-même L’art du fiasco et Les Fiascos c’est rigolo1, pour une toute autre raison !
Tu n’as pas encore ton labo ni ta cuve qui teint en bleu car tu n’as pas vécu ta première grossesse. Rien ne s’était arrêté car rien n’avait encore commencé. Tu n’as pas encore perdu l’usage de la parole pendant de long mois. C’est l’indigo qui a voulu se manifester dans un feu intérieur.
Pour ça tu as eu besoin de tout faire pour créer ce bleu.
Et pour ça il a fallu créer un petit atelier.
On a donc commencé par là, à deux, un hiver avec Ivan. Avec nos mains.
Le printemps est arrivé, la cuve a trouvé sa place, cette fois grâce au savoir du bon professeur. Merci David. Les mains ont plongé, les yeux aussi, ils sont ressortis plein de bleu panseur.
La parole retrouvée et le monde extérieur qui tourne normalement c’est arrivé plus tard. Enfin je crois.
Maintenant tu as tout ça en plus dans la mémoire de tes mains. Celle à laquelle tu crois et tu es nourrie. Le geste précis de ta grand-même Aziza quand elle nettoie les poissons dans le plateau rond à pieds, posé devant elle. Assise en tailleur elle prend un peu d’eau dans sa main qu’elle recourbe et passe sur le rebord arrondi pour le nettoyer.
C’est fluide et précis. Ça me fascine.
Je l’ai refait après jusqu’à le maitriser et maintenant je n’ai même plus besoin d’y penser. C’est l’un de mes gestes pour nettoyer les pourtours de lavabo.
Tu ne t’en rends pas toujours compte de la quantité de savoir avalé. Pourtant c’est une épice majeure de plus dans ta cuisine. De toute manière c’est toujours là que ça a toujours commencé et que ça finit toujours… c’est comme ça les meilleures soirées !
T’en a vécu des trucs dans cette maison. Des sentiments de l’extrême, de l’ambivalence à tout vouloir décamper, foutre le feu et vécu tellement d’amour aussi. De l’expérimentation des premières fois en tout : quitter Paris, habiter la pleine campagne, ne connaitre personne, n’y avoir aucune attache mais rester arrimée à son amoureux.
Expérimenter seule et à deux.
Ta maison, votre maison à deux et maintenant à trois.
Un jour je dis Oui un jour je dis La suite !
Je t’embrasse sur tes joues encore rebondies (fais gaffe ça creuse l’expérience du temps) !
PS : ton téléphone n’est pas si c*n car tu viens juste de monter une nouvelle cuve d’indigo il y’a deux jours. Dans le même fût, un nouveau cycle issu de toutes ces histoires pour encore plus d’histoires à tâtonner. C’est dingue !
Référence à la lettre intitulée Bonus Fiasco 2022, le voyage intérieur malgré tout - Récit d’un train pris au hasard, doux rêve espéré avec Monsieur… Si vous voulez partir lors d’un week-end férié comme celui-ci je vous le conseille !
Je vous souhaite une belle fin de week-end Férié Fais-Rien. J’espère que cette carte vous a plu et merci pour vos messages. J’en profite pour souhaiter la bienvenue aux 3 nouvelles personnes abonnées ! Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour une autre café-croissant en version estivale, à lire en terrasse ou dans votre lit.
Je vous rappelle le principe : je pioche une photo des “souvenirs” que mon téléphone sélectionne. C’est lui qui choisit, c’est moi qui écrit !
Et cette semaine j’ai envie de vous demander ceci : À écrire une carte à un Vous du passé, à quelle période lui écririez-vous ?
Bisou, bisou !
Toujours un immense plaisir de vous lire! Si j écrivais a un moi , ce serait quand j avais 16 ans...
Très belle journée a bientôt