Ce que je (ré)apprends en dessinant avec The Sneaky Artist
J'apprends à dessiner des Tiny People. Les miens. Je me concentre sur cette activité pour retrouver de l’espace intérieur.
En premier lieu je vous souhaite un bon dimanche, et pour l’occasion je viens vous tenir compagnie un moment avec cette lettre qui a besoin d’être lue en prenant le temps. Je vous conseille de la lire en cliquant sur le titre, pour sortir du stress de votre file d’emails et rentrer dans un cadre plus confortable sur le site.
Une chose m’est apparue récemment : j’ai un besoin d’apprendre important. Je le savais mais pas à ce point.
Cela fait plusieurs années années que mes carnets contiennent des dessins de mes cafés dans les cafés et autres boissons qui viennent décorer pour un laps de temps mon point de vue. Ce sont des lieux où j’ai beaucoup écrit.
Au fur et à mesure ils sont devenus des exhausteurs de l’instant.
Ces croquis illustrent des périodes de vie. Je me revois parfaitement à l’endroit où j’étais et dans quel état d’esprit lorsque j’ai écrit et dessiné.
J’ai toujours aimé dessiner par période sans tout savoir faire. Puis l’écriture s’est installée à ma table de manière régulière suivi du dessin qui s’y est joint, prenant l’habitude de commander quelque chose lui aussi.



Il y’a quelques temps ici même sur Substack, j’ai découvert les dessins de milliers petites personnes du talentueux
, The Sneaky Artist. Suivre un cours de dessin me fait beaucoup de bien car cela agit comme un massage mental et apaise mon cerveau.L’Artiste Furtif est originaire de Calcutta et vit à Vancouver. Au départ les dessins qu’il poste de son bébé dans des notes Substack m’avaient séduite et émue. Il capte tous les petits moments du quotidien de son fils d’un an lui permettant d’observer et conserver son évolution. Ses babillages, ses tentatives, ses découvertes, ses siestes, sa passion des boîtes. Son regard et sa petite vie rien qu’à lui qui le rendent unique.


De mon côté les mois passent et mon bébé à moi a déjà 19 mois.
J’ai ouvert un carnet que nous remplissons Ivan et moi pour noter des petits souvenirs du quotidien depuis ses ‘premiers temps’. Grands ou petits moments peu importe. Un recueil de nos vies mêlées à trois et de souvenirs gracieux.
Maman + Monsieur + La Coquillette.
À chacun sa perception, son envie, son souvenir qu’il a envie de noter. Parfois une même journée laisse une trace à deux voix.
Depuis qu’il articule ses premiers sons dirigés, je sens bien que tout s’emballe.
Il ne sera bientôt plus mon Ómálgá (qui ne sait pas encore parler, en Islandais), moi qui suis émerveillée par son pouvoir depuis sa naissance : celle d’un petit animal. Nous communiquons par delà les mots, il est encore brut et non enrobé de tout le poids d’une société. Enfin presque.
Il s’en éloigne chaque jour.
Une part de moi sent quitter l’iceberg de ma mer de glace. Celle où résident mes nuits et mon sommeil de marin.
Note : Je vous glisse deux anciennes lettres. Je ne les relis par forcément moi-même. J’ai même du mal, et je constate que j’oublie incroyablement tout ce que j’ai déjà écrit rien qu’ici quand ça m’arrive ! Mais c’est parfois agréable ou nécessaire de relire mes sensations d’une époque.
Ómálgá1 est une lettre que j’aime vraiment beaucoup. De celles que je retiens d’avoir écrites et balisent certains moments importants que j’ai mis en mots et partagés ici.
En bonus : Vous y verrez une vidéo d’un bisou d’amour, mignon et dévorant d’un bébé qui mange son parent. C’était il y’a un peu plus d’un an et ça fait sourire !
J’ai passé des mois à ne quasi rien noter dans notre carnet et je m’en voulais. Car ce n’est pas ce qui manque, mais j’ai accepté de ne pas tenir, d’avoir la flemme, de retenir (et ne pas retenir) dans ma mémoire.
Je sais que j’y reviens et c’est déjà le cas.
Accepter la perte.
Et son rythme.
(Bon j’essaie au maximum et je me garde la possibilité de faire des notes de rattrapage…)
Mais ce qui m’importe c’est de ne pas rater ces premiers mots qui émergent d’une petite bouche qui répète et tente de reproduire ce qu’elle entend.
Comme un filet à papillon qui attrape ce qu’il peut, témoin de son entourage à lui. Son environnement naturel.
Si Bâ-’lon (Ballon) reste le premier mot compulsé par son seul désir et attrait (pas sûr que j’aurais choisi celui-là personnellement), depuis, je prends un malin plaisir à noter quand je peux, ou écouter attentivement les nouveaux mots acquis.
Tenter de retenir.
Il est à noter que Bâ-llô veut dire “Pantalon” et la nuance est très subtile à entendre.
Il est drôle par ailleurs d’observer l’envie de prononcer plus, mais de voir que le corps et le cerveau disent autre chose.
Un mot de 3 syllabes s’exprime en 2, et le “Ke” en début de mot a la cote pour l’instant !
Ka-Ké : cassé
Ka-Kô : gâteau (ou tout ce qui ressemble à une friandise ou se présente dans un sachet ou une grande boîte en métal Delacre.
Ka’h ! : le sac
Ko’kor : encore !
Ceci me ramène au dessin.
En voyant les dessins de Ninshant Jaïn j’ai vu l’évidence de capturer ces instants comme un livre qui apparaissait au fil des jours, déjà imprimé et non stocké dans un téléphone. Et surtout le charme de deux regards combinés : celui du fils, celui du père. Quelques annotations sur ces dessins en noir et blanc et la magie opère.
J’ai donc suivi son cours ce mois-ci pour apprendre à croquer rapidement des petits personnages.
De vraies personnes.
Et je m’y exerce.


Reste à ne pas avoir l’impression de saccager le visage si plaisant de Jasmile à regarder. Accepter qu’il faut que je trouve sa clef à lui pour le dessiner (autrement dit sa “Kéé !” ).
Que je rate beaucoup et ne reconnaisse pas sous mes traits de “Ké-Yo” le visage de mon fils.
De plus son vocabulaire pourra s’y joindre. Les lettres viendront se joindre aux dessins. S’insérer comme ses cubes au milieu d’autres objets.
Le dessin m’aide à recréer de l’espace intérieur
J’ai réduit la voilure de mon cerveau pour abaisser la pression actuelle qui y réside par cette activité de dessin qui se trouve être dans l’instant, dans l’observation, la pratique manuelle. Et sans écran.
Voici quelques explorations créatives que j’ai notées, qui me semblent pertinentes au cours de son cours.
Certaines vous parleront certainement car il ya des transversalités dans le domaine de la création.
Partager : C’est ce que fait Nishant Jaïn en observant les autres. En étant présent et dans l’instant pendant qu’il dessine, il voit des personnes différentes qu’il ne connaît pas, qui ont leur façon de vivre et pourtant il y décèle des choses en commun et apprend de nouvelles manière de faire.
Vous pouvez y voir le lien avec Facteur Commun que j’ai débuté en 2022 pour cette même raison.
Dessiner permet d’accéder à un état de flow pour les raisons que je viens d’évoquer. Ce flux créatif proche de la méditation qui accède par moment à un niveau de fluidité tel que tout semble s’emboîter. Un état d’hypnose où ce que l’on est vraiment refait surface tel un bouchon qui remonte sans palier.
On ne réfléchit pas trop.
Cet artiste à l’origine est ingénieur. Il n’a fait aucune formation d’art, il a juste senti que son métier n’était peut-être pas ce qui lui permettait d’accéder à ce qui lui semblait primordial : faire partie de son monde. Se relier (une fois de plus) en observant. Donner de l’attention à la vie des autres, des inconnus.
Un jour il a pris son carnet et son stylo à plume qu’il utilise toujours pour observer son nouveau pays adoptif. Apprendre à le connaître.
Et ne pas rester des heures à errer devant un écran.
Étant timide il a du apprendre à faire vite car il n’osait pas être vu en train de dessiner et de rater ses représentations des autres.
Le parallèle avec l’écriture : Pour articuler ses personnages il nous fait apprendre le vocabulaire des lettres pour représenter une partie du corps.
Si je vous dis D C L O H, je vous dessine en réalité une tête avec des oreilles, un nez (facultatif), un torse et des jambes. Cette technique m’a permise en quelques minutes de ne plus avoir peur de faire un “bonhomme complet”.
Sans rire, je n’ai plus peur de dessiner un personnage, une personne donc, même s’il me faut bien sûr m’exercer, approfondir, faire et refaire.
L’appréhension du je ne sais pas dessiner les gens en est soulagée.
Penser à l’envers : dessiner dans le sens inverse des aiguilles d’une montre pour faire un O un D (la tête). Cela permet de ressentir différemment sa perception habituelle du tracé. Et dans certains cas cela s’avère plus facile !
J’ai aussi remarqué que The Sneaky Artist traçait d’une même ligne tout le contour d’un E majuscule, “du plafond jusqu’au sol”, puis ajoute “son étage” grâce à la barre centrale.
Là où je trace des E depuis années de la même manière, tracer cette lettre dans un ordre différent replace la ligne à une nouvelle valeur. Je commence par tracer un L majuscule puis ajoute une barre en haut, puis une dernière au milieu.
Cela rééquilibre la continuité du corps qui passe par le feutre pour s’apposer sur le papier. Et l’analyse de la forme.
Entre croquis rapides de sieste et recherche d'yeux, nez et bouclettes Même si au final je garde ma façon de dessiner un E ou une tête, j’ai pu remettre en question cette habitude de tracé qui découle certainement de mon apprentissage à l’école. Et donc me ferme des options.
Les Anglo-Saxons dessinent le chiffre “4” d’une traite (tel que le caractère typographié) avec une barre oblique, là où on démarre en général avec une forme de L ouvert.
Si j’étais née dans un autre pays j’écrirais sûrement différemment…
Notre écriture est une signature, un style déjà établi que l’on a tendance à oublier.
C’est très intime. C’est déjà un dessin.
Travailler des lignes fermées s’avère être plus simple que la ligne discontinue ou des formes ouvertes !
Les personnages de Nishant Jaïn sont “propres” avec des contours fermés.
Ça ne dépasse pas. Tout le contraire de mes habitudes naturelles.
Tracer des personnages en une ligne m’a finalement rendu le choses plus facile dans la compréhension d’une silhouette.
Dans mes pratiques artistiques j’ai plutôt tendance à laisser les lignes “ouvertes” et “flottantes” si je puis dire. J’aime les traits bruts qui laissent la place à l’idée où l’observateur viendra compléter par lui-même un trait de dessin par exemple. Une idée du mouvement s’il y a, et parfois aussi par pur manque de technique.
C’est le cas aussi dans mes élaborations textiles en teinture végétale.
J’aime le fil qui dépasse des coupes à bord franc, pour ce qu’il est et représente : un morceau de la trame, le lien qui unit.
Ils sont plusieurs fois un pour constituer un morceau de tissu qui semble uniforme. Il faut y regarder de plus près. Ces fils eux-mêmes sont le résultat d’un filage de plusieurs fibres rabibochées.
Je crois que c’est ma manière à moi de voir le positif de notre monde. Et de rassembler.
Ainsi, je n’aime pas l’idée d’encadrer une œuvre textile car cela me donne une sensation d’enfermement, de claustrophobie.
De ne pas être libre. Le textile aime et a besoin d’être touché.
Pourquoi fermer s’avère plus simple ? Car il faut fermer, donc on simplifie. Peu importe la ligne du manteau, de la jambe ou le pli de la main qui tombe bien à tel endroit ou non.
Simplifier est d’ailleurs l’essence de ce cours et c’est ce qui me correspond assez dans ma façon de faire.
J’aime capter l’essentiel ou le détail de mouvement par exemple. Chacun voit une image à sa manière et saura tirer profit de l’élément qui lui semble important.
Et il faut vite capter une essence pour dessiner quelqu’un qui peut s’échapper dans la rue ou au café. Chacun apprend à observer.
Dessiner en 60 secondes un même sujet, puis 30, puis 15 est très instructif et très drôle justement ! Finalement je préfère le même sujet dessiné en 15’ car il faut que l’oeil retranscrive l’essentiel pour rendre lisible votre dessin : c’est-à-dire ce qui vous importe dans la compréhension de la scène et que vous souhaitez partager.
Pour résumer : Moins de choix = plus facile, donc plus d’action.
Enfin un concept que j’aime particulièrement et que j’avais constaté par ailleurs :
La répétition de défauts devient un style en contournant ce que l’on ne sait pas faire.
Il faut parfois trèèèès longtemps pour le déceler !
Donc si vous ne savez pas dessiner les mains ou les pieds comme des tas de dessinateurs, faites autrement ! C’est ce que The Sneaky Artist fait. Et c’est devenu une part de son style.
Et cela mène à un principe créatif que j’adore et qui plus est fondamental : la contrainte. C’est ce que j’ai appris il y’a longtemps à l’école en architecture intérieure pour concevoir des plans de réaménagements.
La contrainte est l’un des meilleurs moteurs de fabrication. Le remède à la page blanche.
Partir du vide total est bien plus vertigineux que de devoir contourner.
Une contrainte est une matière précieuse. Un point de départ.
Et lue en dehors de ce contexte cette phrase peut d’ailleurs nous emmener bien loin.
Je vous laisse, ma Coquillette m’appelle,
Bisou bisou !