TÉTÉE OÙ ?
Je suis partie me faire un café et puis je suis revenue au bout de plusieurs mois avec un bébé... Et à raison d'une dizaine de tétées par jour j'arrive à 1200 tétées au compteur dans quelques jours.
Il y’a des tétées de réconfort, de grosse faim, de contemplation, d’apaisement, les tétouillages qui endorment, celles du dîner, celles du souper, les tétées pour le principe, celles pour admirer le paysage ou encore qui désaltèrent. Le nez s’enfouit dans son petit monde, à la confluence de la courbe et de ses embruns de dune, où se cache un fleuve immaculé et translucide. Le Styx n’a qu’à bien se tenir car ces quelques centimètres carré de peau expédient le petit mammifère pour un voyage dans la Voie Lactée. Assurément.
Au petit matin du 8 août 2023 arrivait Jasmile, petit garçon au doux parfum de jasmin.
Depuis je n’ai plus de sac à main, mais un sac à langer.

Un blanc
Des mois que vous n’avez pas reçu de lettre de la factrice, partie un peu du jour au lendemain comme on claque la porte de la voiture, la ceinture du manteau pris dans la portière mais c’est pas grave, roule.
J'ai fait ce que l'on appelle une "pause bébé” si tant est que l’on puisse faire une pause avec un bébé. À ma connaissance c’est que qui s’apparente le plus à la “permanence permanente”, mais nous ne sommes pas à un oxymore ou pléonasme près dans la langue française.
J’aurais tant aimé continuer à partager tous ces textes ces derniers mois, ces mots, ces sensations qui me semblaient importantes à retranscrire, mais il a fallu que je me recentre sur mon centre, puis que je laisse passer un peu de temps. Accepter que mes pensées allaient bien trop vite pour les retranscrire sur papier, accepter que je ne pouvait que ressentir et tenter de me souvenir. Accepter que je devais prioriser les petits combats quotidiens dans lesquelles insuffler mon énergie. Non merci je ne ferai pas le test de diabète de grossesse et ne me regardez pas comme si c’était mal ou que j’avais 5 ans tout en me disant que c’est “comme je veux”.
Je pourrais vous parler de ces saisons dans la saison pendant la grossesse, de cet espace-temps magique que tout être devrait connaître, l’avant accouchement, le pendant, l’animal hurlant qui fait naître son mammifère tapi dans la nuit en parallèle de deux autres mères mammifères, les premières premières fois éblouissantes, les saisons dans les saisons, les micro-saisons d’une semaine car il faut si peu de temps pour qu’un bébé passe une nouvelle étape, comme acquérir la préhension.
C’est passionnant à observer, merveilleux, même si ces termes semblent avoir été usés jusqu’à la corde.
M’en fous. C’est vrai.
L’énergie et la créativité, je les ai déployées au centuple tous ces premiers mois de fabrique intérieure. Ces compétences du corps humain sont d’une portée extralucide.
C’est ce que je voulais partager pour offrir un peu de cette force et de confiance à mes congénères. J’ai du mettre tout ceci en attente à l’intérieur. Pas étonnant non ? À chacun sa gestation.
Je pourrais vous énumérer toutes les bonnes raisons d’avoir un enfant à 42 ans. (43 dans une poignée d’heures.)
Je pourrais vous parler de la magie de l’allaitement (une poignée d’heures) et de son fonctionnement, de son sens pratique et de l’adaptabilité du lait en fonction de la tétée et des besoins du bébé, de la nuit, de son goût jamais le même. Celui qui initie un enfant aux diverses saveurs bien avant la diversification alimentaire. Un prolongement de ce à quoi il goûtait dans le ventre.
Je pourrais parler des tripes remuées au regards des atrocités du 7 octobre, où prendre son bébé dans ses bras engendre des méandres de sentiments et d’émotions qui font mal. Et des dizaines de questions supplémentaires mêlant Impuissance, Culpabilité, Pourquoi, Mutisme, Quel chemin, Espoir, Beauté, Au-delà, Soupir, Humain, Amour, Pleurs ou Serrer Fort Fort.
Je pourrais parler du potentiel extraordinaire que nous avons toutes et tous en notre corps et sur notre santé, si tant est que l’on reprenne les choses à leur origine. Qu’on se pose les bonnes questions et que l’on n’avale pas tout cru tout rond ce qu’il “faut faire” car notre système médical est “comme ça” et que c’est forcément pour notre bien.
Une chose est sûre, forte de cette expérience de grossesse et d’accouchement que j’ai souhaité le plus naturel possible, c’est que les femmes ne sont que peu à savoir la force et la confiance qu’elles ont en elle, qui ne dépend de personne d’autre qu’elles-mêmes. Un accouchement est le paroxysme de cette puissance du corps. Et il est temps de se le réapproprier. La douleur peut être un guide et non une peur. Car elle s’apprivoise et devient un partenaire. Et puis il n’y a pas que ça dans un accouchement ! C’est une manifestation, un séisme de beauté.
En France ce n’est pas simple et il faut batailler pour pouvoir réellement accoucher en étant guidée par ce que l’on sent, et ce pourquoi nous sommes faites tout simplement. La culture de la peur et du “et si” ne devrait pas l’emporter sur cette donnée fondamentale. Cette donnée initiale que notre corps est conçu pour accoucher de lui-même. Et que l’être à l’intérieur n’y est pas pour rien. C’est un point de départ, la médecine devrait venir ensuite.
Fin de parenthèse, celle qui me remue le plus car le sujet touche finalement à la liberté et à la santé, à son appropriation, Femmes comme Hommes. Et pour cela il faut être totalement relié(e) à son corps.
Je pourrais vous parler de tout ça mais ça serait trop long en une fois. Ce sera sûrement essaimé plus tard dans de prochaines lettres !
Aujourd’hui
Ce que je peux vous dire c’est que je suis à la fois très enthousiaste de réécrire Facteur Commun et un peu intimidée aussi -vous ai-je manqué, avez-vous toujours envie de me lire ?
Mais surtout je l’envisage différemment.
Ces longs mois de réflexion et ma nouvelle donne matérielle et temporelle m’ont conduite à penser une nouvelle vision de Facteur Commun.
Elle consiste à vivre de mes écrits et créations en cherchant à relier les points entre inconnus, entre nous. Et ça je peux vous dire que c’est une sacrée déclaration.
C’est un grand saut assez fragile aussi car s’impliquer de la sorte pose une charge importante sur les épaules. Une pression d’engagement et d’ordre émotionnel très liés : quand je ne vais pas très bien j’ai tendance à me refermer, à hiberner un temps. Je suis ultra sensible à la lumière (entendre celle du soleil), telle que vous me lisez je suis à un degré élevé de bravoure ! Il fait quasiment nuit chaque jour ces dernières semaines, il règne une fraîcheur anesthésiante, mon taux de vitamine D frôle le sous-sol d’une cave parisienne. Sa terre battue miteuse et ses pièges à rats accrochés à la tuyauterie. Bah oui ! mettons qu’une bonne âme tente de tous les voler pour mettre un terme à ce délogement !
Ce manque de vitamine en revanche a le mérite de me répondre que j’aime toujours retrouver mon lieu rien qu’à moi, rien qu’à nous, qui sent le fauteuil confortablement avachi.
Rappelez-vous, nous sommes entre nous dans un jardin d’hiver et vous avez le choix entre un bon thé et ses scones-clotted-cream-and-raspberry-jam ou bien un whisky tourbé. Vous pouvez ronronner dans le fauteuil ou en haut du palmier entre deux palmes enjouées. C’est un très bon arbre à chat.

Que vois-je ?
J’ai l’image en tête, où je veux aller, mais le tracé est incertain. Et pourtant j’ai envie de le faire et si je ne commence pas ne continue pas à écrire ces lignes, mon chemin ne sera que petits cailloux.
J’ai envie d’agrandir les murs, de rassembler mon travail de ces dernières années, ici même en un lieu riche et inspirant. Un lieu qui met en avant la création, l’art et l’humain.
Et ça tombe bien car j’ai beaucoup travaillé sur ma capacité à garder le cap, ma vision, à réorienter mon cerveau quand il n’indique que les nuances de noir. Ce qui ne m’empêche pas d’avoir des bas, je vous le confirme… il y a même des jours où ça se joue à l’heure près !
Ici peut donc être mon atelier dont j’ouvre les portes. Mon travail sur la couleur végétale, la matière, créer en limitant son impact et de manière vertueuse… j’ai envie d’ouvrir. Apporter mon regard avec des mots, des images, des saveurs, de l’art et du son.
Chercher la lumière.
Observer la beauté des détails et panser quelques nuances de bleus.
Reprendre le format du podcast pour l’insérer entre ces lignes m’enthousiasme également beaucoup. J’apprécie toujours la portée du son grâce à un intervenant hypersensible lors de ma formation pour réaliser un film court. Partir à la rencontre de personnes qui attisent ma curiosité me semble toujours être un beau voyage. Vous y convier un autre beau voyage.
D’ailleurs vous pouvez tester pour la première fois la version audio de cette publication (et peut-être qu’un grain de sable s’y est glissé). Le lecteur est tout en haut de la publication.
La plateforme Substack ayant évolué j’aimerais utiliser ces outils mis à disposition qui facilitent la vie. Je sais ce qu’est la création et la gestion seule d’un site internet et je sais ce que je ne veux plus faire ce qui me coûte trop de temps et d’énergie. M’arracher les cheveux plus besoin merci, j’ai un bébé qui s’en occupe et s’en sert de rênes pour conduire sa maman.
Je veux bien arroser les plantes et en semer d’autres, mais pas passer mon temps à installer moi-même le système d’irrigation et concevoir le goutte à goutte !
Un palmier doit pouvoir s’élever (aussi) tout seul.
La nouvelle donne
J’aime nos rendez-vous toujours un peu décalés comme les cafés-croissants du dimanche tout en explorant de nouvelles formes. J’y travaille et souhaite vous exposer ce réaménagement des lieux prochainement.
Il y’a aussi un projet artistique que je rumine depuis 4 ans qui pourrait trouver sa place ici et avec vous. Quand je dis que cherche à relier les points ce n’est pas pour le slogan. Un projet sur la transmission et les souvenirs.
Une chose est sûre j’ai besoin de vous.
De votre lecture, de votre attention, de votre participation et même de votre soutien financier. Ce grand saut qui s’accompagne d’une réorientation professionnelle c’est aussi savoir dire les choses. Donc je le dis. J’ai envie de gagner ma vie de la manière qui me correspond et me permet d’offrir ce que je sais faire le mieux possible. Concrètement je songe à rendre payant en partie cet espace, en travaillant pleinement à offrir une qualité, un regard et de la bonne surprise je l’espère. Offrir un accès plus privilégié à un certain type de contenu sans fermer la porte à un accès gratuit car ce n’est pas dans ma nature de ne pas recevoir.
C’est aussi un moyen de me préserver, ainsi que notre espace commun.

En résumé
J’espère être celle que vous serez ravi.e de retrouver pour la découverte, pour vous réconforter, vous distraire, ou vous informer. Dans un cadre intimiste.
Ce n’est pas rien pour moi de dire que mon travail a de la valeur. Ce que j’ai semé depuis plusieurs années en me formant, en expérimentant et en apprenant par moi-même. Ce n’est pas rien de l’affirmer à contre courant d’une société qui le balaie d’un revers de main car ce cheminement n’est pas rémunéré. Qu’une valeur financière égale à zéro signifie NULLE, car ça ne correspond pas à la Valeur-Travail, à la France-qui-se-lève-tôt.
J’ai bien envie de répondre à cela qu’il serait bon de décoller la notion d’argent oblitérée sur la valeur d’être Humain. En réalité ces dernières années j’ai investi sur moi en tant que personne. Et j’ajouterais que réorienter sa vie professionnelle selon ses valeurs, celles que l’on estime après réflexions, un bébé à bout de bras ou au bout du sein jour ou nuit, dépasse ce genre de considérations.
Même après réaménagement Facteur Commun ne peut que me ressembler. Être multiple, comme moi. Comme dans la vraie vie quoi ! Je peux enfin dire que j’ai plusieurs cartes dans mon jeu et que je m’apprête à faire tapis. D’ailleurs je joue assez gros car cette nouvelle vie sans sac à main dépend aussi de la réussite de cette vision -jeu auquel je n’ai jamais joué !
À vous de jouer avec moi.
Soyons flambeurs.
Soyons flamboyants.
Le Facteur Commun du jour
J’en profite pour glisser un petit sondage puisque c’est possible désormais :
N’oubliez pas que pour m’écrire il suffit de répondre à cet envoi. Vos commentaires sont également précieux car ils contribuent à créer notre communauté. Si certains sujets évoqués vous parlent et que vous avez envie que je les aborde plus en détails, commandez au bar, la factrice livrera à votre table :)
Je vous embrasse comme du bon pain au levain maison.
La ceinture de mon manteaux doit être filasse et à moitié cramée à cette heure-ci mais je ne suis pas à un bémole vestimentaire près.
Ça fait partie de mon costume de SuperMamaQuadra !
Soyons efficaces.
Le 7 décembre à 12H30 j’ai 43 ans. Jouez le 7, le 4 et le 3 pour nous !